Méga-bassines : le capital mène la guerre de l’eau

Ce samedi 25 mars, quelque 30 000 manifestant.e.s étaient réuni.e.s à Sainte-Soline pour s’opposer au projet de construction de méga-bassines dans les Deux-Sèvres, faisant face à un lourd dispositif policier, comprenant 3 200 agents. Nous y étions pour couvrir cet événement.

Une répression sauvage

Les manifestant.e.s ont dû faire face à de rares violences : présente au rassemblement, une jeune communiste déplore notamment “des tirs de lacrymo à hauteur de visage”. Les chiffres sont vertigineux : ce ne sont pas moins de 200 blessé.e.s dont 10 hospitalisé.e.s et un dans le coma  selon les organisateurs, face aux 7 blessé.e.s que les autorités déclaraient ce samedi.

Par ailleurs, ce sont 4 000 grenades (lacrymogènes et de désencerclement) qui ont été lancées durant la manifestation. Entre autres violences inacceptables, la Ligue des Droits de l’Homme a “constaté plusieurs cas d’entraves par les forces de l’ordre à l’intervention des secours, tant Samu que pompiers. Le Samu a indiqué ne pouvoir intervenir pour secourir un blessé en état d’urgence vitale dès lors que le commandement avait donné l’ordre de ne pas le faire, dans une conversation téléphonique à laquelle ont assisté trois avocats de la LDH”.

Derrière la brutalité policière au cours de cette manifestation, il faut voir le rôle politique qu’a joué la police ce samedi 25 mars : pour Chimène, membre de la coordination nationale de l’Union des Étudiant.e.s Communistes, “le dispositif policier est énorme par rapport au nombre de manifestant.e.s et surtout par rapport au nombre de manifestant.e.s pacifistes, ce qui montre bien que la politique dérange là-dedans, et qu’on touche aux intérêts directs du capital quand on touche à l’eau et à la gestion de l’eau”.

La lutte contre un projet délétère

Il est nécessaire de prendre conscience de l’absurdité du projet, qui a déjà fait l’objet d’un traitement dans l’Avant Garde

Ce projet de méga-bassines participe à une logique de profit capitaliste en s’inscrivant dans la bataille sur la gestion de l’eau, et suit “un but de privatisation dans le sens où ces réserves d’eau seront réservées à presque 5% de l’ensemble des exploitants. Et donc forcément des gros exploitants. On est sur une privatisation de l’eau, à l’aube d’une ère où on va commencer à avoir des restrictions d’eau dans énormément de territoires de France”, affirme Chimène. Et le tout est financé à hauteur de 70% par des fonds publics…

Mais aussi, le pompage destructeur des nappes phréatiques risque de ne pas répondre à ses objectifs, en raison des difficultés à prévoir pour remplir les bassines, même à très court terme. Selon Pierre, militant jeune communiste présent à la manifestation, c’est le modèle agricole qu’il faut revoir : “Ces méga-bassines, elles sont parties du principe qu’il n’y avait pas assez d’eau pour alimenter le maïs, donc qu’il fallait stocker l’eau. Nous on dit qu’il faut prendre les choses dans le sens inverse : s’il n’y a pas assez d’eau, partons de l’état de la ressource en eau, qui est catastrophique actuellement dans nos régions, et trouvons des solutions à partir de cet état de la ressource. Ça implique des changements profonds. C’est sûr que cultiver du maïs qui va servir à alimenter des bovins partout dans le monde, c’est pas un modèle qui peut durer dans le temps.”

Entre fête et guerre

Malgré les vives tensions au cours de la manifestation à partir de 13h, l’enjeu était également de mettre en place un climat festif et pacifique. Nécessairement, l’ambiance était très variée, “très mixte dans le sens où c’est une manifestation très organisée en amont, avec une stratégie presque militaire et en même temps, des cortèges presque familiaux, avec des personnes âgées, des enfants, les organisations”, précise Chimène.

Il faut aussi noter la variété des organisations politiques représentées : pour Pierre, “c’est une manifestation très éclectique, c’est très bien comme ça. Il y a plusieurs groupes. Il y a les organisations traditionnelles, donc évidemment les Jeunes Communistes, le Parti Communiste bien représenté par la fédération de la Vienne et la fédération des Deux-Sèvres, et quelques camarades de la Gironde. Il y a les syndicats agricoles, la Confédération paysanne notamment est présente en nombre, des organisations de désobéissance civile, etc.”. Plusieurs personnalités politiques étaient également présentes pour ce rassemblement de lutte internationale : on a pu y croiser Philippe Poutou (NPA), Marine Tondelier (EELV), Clémence Guetté (LFI)…

La raison de cette mobilisation large d’un grand nombre d’organisations politiques différentes, voire parfois concurrentes, se trouve dans la catastrophe écologique et sociale qui nous est promise si les méga-bassines devaient entrer en fonctionnement. La question de l’eau et de son usage est un problème historique, mais les récentes vagues de canicules et pénuries, ainsi que la situation locale de déficit hydrique structurel tendent à en faire un sujet de plus en plus urgent. “On sait très bien que le capital veut toucher à nos besoins primaires pour en faire du profit, et c’est ce qui est en train de se passer avec l’eau. C’est pour ça que cette question est mobilisatrice, bien au-delà de certaines contradictions politiques entre certains partis, franges d’organisations. Avec cette manifestation, et toutes les autres depuis un an, les citoyens imposent un réel rapport de force à l’exécutif”, conclut Chimène.

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