La réalité de la précarité avec Au boulot ! 

Actuellement en salle, le film Au Boulot ! réalisé par l’élu de la Somme (ex député LFI) François Ruffin et Gilles Perret met enfin en lumière des questions de fond, alors que cette nécessité se faisait cruellement ressentir face aux récurrents discours démagogiques et clientélistes peuplant nombre de médias.

Apparaît à l’écran l’avocate et chroniqueuse de  C NEWS et RMC Sarah Saldmann partageant -et découvrant- le temps d’une semaine, les conditions de travail de plusieurs salariés rémunérés au SMIC. Ce projet, de « réinsertion sociale des riches » comme le nomme ironiquement François Ruffin, naît d’un débat houleux sur le plateau de RMC avec la chroniqueuse, portant sur la rémunération du travail. Cette dernière déclare alors qu’il “vaut mieux être à 1.300€ plutôt que d’être au chômage”, provoquant l’indignation du député.

L’ignorance, garante de la séparation des classes

Au travers du regard de l’avocate, est d’abord renvoyé de plein fouet l’invisibilisation des ouvriers. « Les barquettes de Monoprix je pensais que c’était les machines qui les faisaient » avoue elle au sein d’une usine de transformation du poisson. Une illustration banale de l’accroissement des distances interclasses, mais également un témoignage de l’infusion chez les classes les plus élevées du mythe du progrès. Les classes les plus élevées n’ont souvent aucune connaissance réelle de qui produit leurs objets de consommation, mais parfois même pensent qu’il s’agit d’un quoi et non d’un qui.

Des inégalités encore à résoudre…

Le film brosse ensuite le portrait d’un monde du travail encore profondément inégalitaire. Si Sarah Saldmann affirmait que l’on « a aussi la vie qu’on décide d’avoir », ses multiples rencontres avec des travailleurs n’auront eu de cesse de lui prouver le contraire. Deux installateurs de fibre optique, non reçus sur Parcoursup, partagent la liste de leurs aussi diverses qu’innombrables professions exercées. « On cherche une stabilité…elle n’est pas accessible ». Ainsi sont représentées à l’œuvre les conséquences du système punitif de la plateforme, dont les laissés pour compte se retrouvent pour la plupart condamnés à l’intérim, au CDD, à l’insécurité.   Un bénévole du Secours Populaire, quant à lui, constate ému : « A 45 ans on est plus rien en France.” Ce dernier, comme bien -trop- d’autres désespère de voir ses efforts entravés par la préférence d’entreprises d’embaucher de jeunes salariés, par objectif de rentabilité. Finalement, la banalisation, par la société, de la dureté des conditions de travail de ces travailleurs demeure frappante.  « Je ne sais pas combien de temps on va tenir » confiera une auxiliaire de vie. L’acharnement et le dévouement quotidien de ces salariés, malgré des troubles musculo-squelettiques pour beaucoup et une fatigue physique et mentale, nous touchent, mais surtout interpellent à la lumière des réformes économiques menées (réforme des retraites, de l’assurance chômage…)

Pas une question de droite ou de gauche ?

Si François Ruffin déclare que « ce n’est pas une question de droite ou de gauche pour [lui], c’est une question de respect du genre humain », nous ne pouvons qu’observer les conceptions diamétralement opposées de l’accès au travail, de sa rémunération, de la vie collective et du loisir du député et de la chroniqueuse, au fil des images. Conceptions fondées sur un principe de partage, d’entraide, d’égalité pour l’un, de la “prise en main”, de la réussite, du parvenir pour l’autre. Volontairement ou non, le film trace donc les contours de la vision d’une droite néolibérale, cultivant le culte de la méritocratie, qui s’entrechoquent avec la pensée d’une gauche interventionniste, préférant s’élever ensemble que de se hisser seul sur le haut de la pyramide

Enfin un dialogue apaisé !

Bien que des questions cruciales, mais difficiles et sensibles, y soient abordées, le calme, l’écoute et l’ouverture à l’autre dont Sarah Saldmann comme François Ruffin ont fait preuve tout le long du film redonne espoir en la possibilité de dialoguer aujourd’hui. En effet, à l’heure où la polarisation affective -sentiment de haine, dégoût, rejet envers l’adversaire politique, devenant ennemi- empoisonne la vie politique du pays, la démarche positive et constructive de ce tournage ne peut qu’être saluée.

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