
Après avoir détourné plus de quatre millions d’euros issus de fonds publics du Parlement européen entre 2004 et 2006, afin de payer des salariés du parti, Marine Le Pen ainsi que huit autres députés du Rassemblement National ont finalement été condamnés. Une décision pourtant conforme aux normes juridiques et au principe d’Etat de droit, mais qui suscite la contestation des mis en cause comme de leurs soutiens.
Des affaires et des casseroles
Ce lundi 31 mars, Marine le Pen a été condamnée à cinq ans d’inéligibilité immédiate, quatre ans de prison dont deux ferme sous bracelet électronique ainsi qu’à une amende de cent mille euros dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires.
Cependant, la présidente du groupe Rassemblement National à l’Assemblée Nationale n’est pas la seule personne à avoir été condamnée. Avec elle, c’est le RN et vingt-trois autres personnes liées au parti qui ont été condamnées dans ce dossier des assistants parlementaires. On peut ainsi citer que :
Le parti a été condamné à deux millions d’euros d’amende dont un million ferme et à la confiscation de un million d’euros, Julien Odoul, députée de l’Yonne et ancien assistant parlementaire écope de huit mois de prison avec sursis et un ans d’inéligibilité sans que cela ne soit inscrit dans son casier, Louis Aliot, vice-président du RN et maire de Perpignan a été condamné à dix-huit mois de prison dont six mois ferme sous bracelet électronique, à huit mille euros d’amende et à une peine d’inéligibilité de trois ans. A noter que s’il fait appel, il reste maire de Perpignan, sa peine n’ayant pas d’exécution immédiate.
De plus, des dommages et intérêts ont été immédiatement demandés par le Parlement européen aux différents prévenus. Quant à la présidentielle de 2027, la peine d’inéligibilité de Marine le Pen étant à “exécution provisoire”, celle-ci s’applique immédiatement et ce même si elle fait appel. L’appel pourrait toutefois lui permettre de ne plus être soumise à une peine d’inéligibilité, lui permettant ainsi de se présenter à la présidentielle. De même, son mandat de députée à l’Assemblée Nationale n’est pas compromis, le Conseil Constitutionnel refusant de déchoir les parlementaires condamnés à de l’inéligibilité.
L’Etat de droit selon la droite
Théorisé par le juriste Hans Kelsen, l’Etat de droit désigne la primauté du droit sur le pouvoir politique. Garant fondamental des démocraties, les règles qui en découlent doivent s’appliquer de la même manière à tout le monde. Ce concept s’oppose donc à la notion de pouvoir arbitraire.
Mais, le Rassemblement National promeut une vision divergente de ce principe. Le RN s’attaque à notre Etat de droit parce que leur programme, marqué par des mesures anti-immigration radicales, ne pourrait jamais être approuvé par la cour constitutionnelle tant certaines propositions violent les principes fondamentaux de la République.
Si nous jetons un œil du côté du pays de “l’Oncle Sam”, nous observons de manière limpide comment Trump arrache petit bout par petit bout ce qu’il reste de la démocratie américaine pour faire passer ces mesures. Le nouveau président américain durcit le ton en s’attaquant aux contre-pouvoirs afin de faire passer ses décrets, avant jugés illégaux.
Le véritable enjeu dépasse l’inéligibilité. Ce qui pose problème au Rassemblement National c’est qu’ils sont conscients que l’Etat de droit, notamment le conseil constitutionnel, peut nous prémunir d’une dérive fasciste en votant une censure contre leurs textes. Si nous laissons ses discours exister dans l’espace public, nous risquons nous aussi de sombrer dans une dérive autoritaire à l’image des Etats-Unis.
L’internationale fasciste en soutien
Le confusionnisme, première arme de l’extrême droite, ne connaissant désormais plus aucune limite, le premier ému par l’annonce de la condamnation de Marine Le Pen fut Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin qui osa dénoncer une “ violation des normes démocratiques ”. Également, le premier ministre hongrois Viktor Orban -ouvertement raciste, homophobe et misogyne- ne trahit pas son alliée de longue date et déclara sur X : “ Je suis Marine ! ”
Outre-Atlantique, Donald Trump et son vice-président J.D Vance -s’affranchissant de la séparation des pouvoirs et des droits des minorités depuis leur arrivée à la Maison Blanche- n’ont eu quant à eux aucune honte à affirmer que “ ce n’est pas ça la démocratie ”.
L’inversion des valeurs semble aussi s’exporter en Belgique, où Tom Van Grieken, président du parti indépendantiste nationaliste et d’extrême-droite Vlaams Belang assume autant la contestation de l’Etat de droit que le complotisme : “ lorsque les politiciens nationalistes gagnent en popularité, le système cherche d’autres moyens, non démocratiques, de les faire taire ”. Porté par la même ardeur populiste, Matteo Salvini, vice-Premier ministre italien pro-russe et ultra conservateur renchérit : “ Qui craint le jugement des électeurs souvent se rassure par le jugement des tribunaux ”.