Communistes et insoumis : d’où viennent les tensions ?

Le Conseil National du Parti Communiste Français vient d’adopter une résolution caractérisant la NUPES de “dépassée” et “appelant à un nouveau rassemblement à gauche plus rassembleur”. Cela fait suite aux multiples provocations et désaccords profonds avec la France Insoumise.

Précédant le CN du PCF, Manuel Bompard, coordinateur national de la France Insoumise, dans une lettre envoyée fin septembre aux écologistes et aux socialistes, a considéré que Fabien Roussel avait quitté la NUPES. Cette lettre et cette résolution surviennent dans un climat de tensions entre les communistes et les insoumis.

Des tensions dès le début des présidentielles de 2022

Il est possible de remonter à l’élection présidentielle de 2022, lorsque le choix des adhérent.e.s du PCF a été de partir seuls à la reconquête d’une meilleure visibilité de leurs idées.

Ce choix avait alors déplu au leader insoumis Jean-Luc Mélenchon. Durant la campagne, plusieurs désaccords ont couvé entre insoumis et communistes : sur le nucléaire, la viande, la police et, bien évidemment, sur le nombre de candidatures à gauche.

Après de nombreux combats entre insoumis et communistes, essentiellement sur les réseaux sociaux, la gauche est sortie perdante de la présidentielle. Le candidat communiste, ayant fait quelques percées dans les sondages, a vu ses voix être siphonnées dans le vote utile en faveur de l’ancien socialiste.

Des désaccords profonds même dans l’union

À la sortie de la présidentielle et après sa défaite face à la percée de l’extrême droite et au quinquennat renouvelé de Macron, la gauche fut forcée de s’unir pour les législatives.

La NUPES est créée. Les candidatures pour les circonscriptions sont réparties entre les différentes composantes de la gauche. Étrangement, la France insoumise se retrouve avec beaucoup de circonscriptions, contrairement aux communistes qui en ont bien moins. Au total, 50 circonscriptions reviennent au PCF.

Durant toute la période d’existence de la NUPES et jusqu’à aujourd’hui, Fabien Roussel a été accusé de diviser la gauche et de travailler contre l’union. Argument également utilisé pendant la présidentielle. La contradiction avec Jean-Luc Mélenchon a cette fois eu lieu sur ses diverses positions sur le nucléaire, les émeutes de 2023, le lien avec les classes populaires rurales… ou encore les suites à donner à la NUPES. Les communistes ont, dès le début de leur congrès en 2023, voté contre les candidatures uniques NUPES aux futures élections et pour une identité propre à leur parti.

Entre les nombreuses polémiques sur la base de propos déformés ou mis hors contexte, on peut citer la question des frontières où Roussel disait qu’elles n’étaient pas ouvertes pour les humains mais grandes ouvertes pour la finance. Il évoquait bien le fait qu’il fallait protéger nos frontières du libre-échange qui détruit nos emplois et notre industrie. Les militants LFI comme certains élus ont détourné les propos du communiste en lui faisant dire qu’il était opposé à l’immigration.

Le débat sur la “gauche du travail” ou celle “des allocs”, lancé par le secrétaire national du PCF à la Fête de l’Humanité 2022 a aussi beaucoup fait jaser. Le débat initial portait sur le projet de société dont la gauche doit se doter : soit elle fait le choix d’une solution de substitution aux salaires, pourvue par l’État et accompagnant un chômage sans issue, soit elle opte pour des salaires dignes, avec un travail émancipateur, et l’éradication du chômage.

Le débat a malheureusement été transformé par les insoumis et par une partie des militants de gauche. Ces derniers l’ont fait passer pour une bataille “pour ou contre les chômeurs”, proclamant à ce titre que Roussel insultait les chômeurs, voire même était raciste en raison de ces positions.

Depuis l’édition 2023 de la Fête de l’Humanité, les tensions se sont accélérées. On s’en souvient, Fabien Roussel a été comparé à un collabo de la première heure par Sophia Chikirou et, sans surprise, ses propos ont été validés par Mélenchon. Bien heureusement, ces agissements ont été condamnés par une grande partie de la gauche mais aussi par des élus insoumis.

Juste après cette polémique, le 7 octobre, l’assaut du Hamas contre des civils israéliens a bousculé le débat et accéléré la rupture. Les insoumis se sont en effet échinés à ne pas qualifier l’organisation islamiste palestinienne de “terroriste”, quand il tombait sous le bon sens de le faire. L’enjeu portait essentiellement sur la légitimité du Hamas à incarner un mouvement résistant libérateur face à Israël, ce qu’il n’est certainement pas.

Bien d’autres désaccords idéologiques et de méthode existent encore, sans être pour autant abordés dans l’espace médiatique. La question des nationalisations contre les socialisations, celle du rôle de la gauche entre les élections, des analyses de la société capitaliste, en sont quelques exemples.

Une stratégie gagnante pour les communistes

Pour toutes ces raisons, les communistes ont décidé progressivement depuis leur congrès, jusqu’à ce dernier CN, de s’éloigner de plus en plus de la NUPES. L’ascension de Fabien Roussel comme personnalité préférée à gauche, dépassant Mélenchon dans tous les sondages, montre que la stratégie des communistes entérinée en 2018 fonctionne bel et bien.

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