
Le 22 octobre dernier, s’est déroulée la commémoration des 256 résistants fusillés par les nazis au camp militaire de Souge. Cette année encore, les jeunes communistes ont eu l’honneur de participer à la cérémonie et à l’appel aux morts aux côtés de leur camarade Jean Dartigues. Une occasion de se remémorer le courage et la détermination de ceux qui ont lutté pour la liberté durant cette période sombre de l’histoire.
Nous sommes allés à la rencontre de quelques camarades qui ont bien voulu partager leur histoire et leurs ressentis avec nous. Jean, qui a prononcé les 256 noms, a accepté de nous en dire davantage sur son expérience.
“Lorsque j’ai fait, pour la première fois, en remplacement de J.J Crespo, l’appel des noms des fusillés, alors que je venais à Souge depuis longtemps, mais les écouter et les dire, c’est très différent, j’ai été saisi à la gorge par les âges des jeunes fusillés, 18, 19, 20 ans, etc… Certes, mourir et de cette façon est toujours horrible, mais à cet âge, avant de vivre sa vie d’homme, ses amours, c’est indigne et insupportable.”
Pour rappel, le plus jeune fusillé avait seulement 16 ans… Jean a également partagé avec nous les émotions qui l’ont envahi et la manière dont il les a exprimées.
“J’étais transi de froid, dans l’âme. Je ne savais pas comment souligner cette injustice ignoble. Répéter les âges ? Les souligner vocalement ? J.J. à qui je posais ces questionnements, me dit que ce n’était pas possible, pour les familles des fusillés et donc, je me suis arrêté dans le bois de Souge, au bord de la route, dans ma voiture et j’ai écrit ce poème, qui a été lu à la deuxième Enceinte (…) En l’écrivant, j’ai pensé à mon ami, Jo Durou, interné dans ce camp, à l’âge de 16 ans et qui a échappé à la mort, compte tenu de sa jeunesse. Je lui ai dédié ce texte qu’il a aimé et fait publier dans le Journal National des Résistants et Internés.
Le poème “Souge”, écrit par Jean, se trouve dans son Recueil Poésie, je t’engage publié dans les Editions Le Serpolets.
Lors de la commémoration, nous avons aussi eu l’occasion d’échanger avec Michelle Vignac, présente à cet événement, qui a partagé avec nous l’histoire de ses parents et notamment celle de son père.
“Mes parents s’appelaient Laurent et Thérèse Puyoou. Mon père était ajusteur, à Bègles, il avait obtenu une coopérative, mon père le samedi avec sa voiture s’en allait livrer les gens à domicile… j’étais petite, on vivait une vie normale, on allait à la plage, à Soulac, à Lacanau, dans le Lot-et-Garonne.”
Une vie qui parait simple et qui du jour au lendemain s’est vue bouleversée :
“On vivait à Bègles, quand le Parti Communiste a été dissout, nous avons déménagé, mais toujours sur Bègles, un jour, mois de novembre, je revenais de l’école, il y avait des policiers dans toute la maison qui fouillaient, qui ouvraient les tiroirs et mon père et ma mère ont été… on peut dire embarqués. Mon père n’est pas revenu, maman est revenue le dimanche. Je ne m’en souviens plus où j’ai été hébergée pendant trois jours et puis le combat continuait, quand il y a eu le premier attentat, mon père a été fusillé dans les premiers, on ne le croyait pas, c’est un gendarme de la ville de Bègles qui est venu nous l’annoncer, on ne le croyait pas…”
Elle poursuit son témoignage en racontant le départ de sa mère :
“Puis au mois de juillet, l’école allait s’arrêter, je suis revenue à la maison et là, il y avait un mot sur la table «c’est mon tour» et je ne l’ai jamais revue, c’était en juillet 1942, j’allais avoir 9 ans en décembre 1942”
Tout comme Michelle, plusieurs dizaines d’autres personnes se tenaient derrière la pancarte Famille, toutes réunies pour rendre hommage aux héros de la Résistance. Par la suite, nous avons continué notre échange avec Patrick Gratchoff, président de l’Association pour la mémoire des martyrs de l’aéronautique, que nous avions déjà rencontré le 7 octobre lors de la commémoration des martyrs de l’aéronautique. Une similitude entre les deux événements a été notée :
“On est dans une cérémonie mémorielle à Souge, totalement mémorielle, alors que pour nous en aéronautique on est aussi dans le mémoriel en partie mais on veut que l’Histoire serve au présent (…) il faut que cela ne se reproduise plus. Souge est représenté par le Conseil d’administration, nous sommes représentés au Conseil d’administration de Souge, donc on travaille en coopération.”
Il a continué en détaillant le travail réalisé avec le Conseil d’administration de Souge ainsi que les difficultés rencontrées lors du déchiffrage des documents historiques essentiels pour le devoir de mémoire :
“On est en train de faire le livre sur les fusillés de l’aéronautique et sur le camp de Beaudésert-Mérignac. On travaille en binôme sur des documents très fiables, historiques, vérifiés et comme le font les historiens, au moins deux documents se croisent pour affirmer que c’est bien officiel, c’est compliqué en ces périodes-là certains documents sont écrits puis photocopiés donc pas très lisibles.”
Ces commémorations et ces hommages rendus chaque année soulignent la nécessité de se souvenir des sacrifices faits par ces résistants et montrent l’importance du devoir de mémoire, tout en préservant le souvenir de cette période de l’Histoire. C’est donc avec un profond respect que nous, jeunes communistes, nous gardons en mémoire les 256 fusillés du camp de Souge, et chaque année, aux côtés de leurs familles, nous leur rendrons hommage.
“Dans la lande de Souge
à côté de Bordeaux
je partirai.
C’est dur de penser :
“pour toujours”
sans amour.
Je partirai demain
comme hier
mes copains
tombés
fusillés.
Le silence est plus lourd
après.
Plus intense
aussi.”
Extrait de “Souge” écrit par Jean Dartigues le 22 octobre 2006 et publié dans son recueil Poésie, je t’engage.