Au nom de la paix, Kanaky libre !

La volonté de l’Etat français de dégeler le corps électoral lors des élections locales a déclenché de vives protestations chez les autochtones en « Nouvelle-Calédonie ». A juste titre puisqu’il s’agit d’une manœuvre néo-coloniale visant à renforcer le pouvoir des personnes arrivées de métropole, de plus en plus nombreuses dans cette colonie de peuplement. L’impérialisme français bafoue ainsi les accords de Nouméa, accordant aux indépendantistes l’exclusivité du droit de vote lors des suffrages provinciaux aux personnes arrivés avant 1998. Le fait d’être un point stratégique par sa position géographique dans l’Océan Pacifique et d’abriter du nickel dans ses sous-sols continue d’attirer les rapaces.

L’histoire du peuple kanak

Le terme « kanak » désigne les populations autochtones mélanésiennes de « Nouvelle-Calédonie », ils s’identifient au même peuple malgré leur diversité culturelle. L’utilisation du terme « Kanaky », choisi par les indépendantistes en 1970 est préférable pour parler de ces terres car « Nouvelle-Calédonie » est une appellation coloniale.

En 1853, l’administration française s’octroie de force la Kanaky, la population locale subit la spoliation de ces terres et de fortes discriminations.  A partir de 1870,  la Nouvelle-Calédonie sert de lieu de déportation pour de très nombreux anciens communards.

De même, plus de 2 000 condamnés d’Afrique du Nord, essentiellement des résistants algériens à l’occupation française dès 1830, furent envoyés dans les bagnes de Nouvelle-Calédonie. La présence des prisonniers politiques de « la Nouvelle » constitue un apport de main d’œuvre considérable, à l’origine des principaux grands travaux. Le nombre de pénaux présents en Nouvelle-Calédonie est monté jusqu’à 11 110 en 1877. Ainsi l’administration pénitentiaire s’est accaparé les meilleures terres. Cela a nourri la conflictualité qui aboutit en 1878, à des révoltes violentes contre l’administration coloniale française. 

Puis en 1917, une rébellion à de nouveaux lieux, les tensions ayant été exacerbée par la mort sous les couleurs de la France de 382 kanaks lors de la 1ère Guerre Mondiale. Cela n’empêchera pas le déroulement en 1931, de l’ « exposition coloniale » à Paris, un événement raciste, au cours duquel 111 kanaks sont présentés comme des « cannibales authentiques ».

Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale, où la Kanaky a servi de point d’appui stratégique face au fascisme au Japon, que la France abolit le code de l’indigénat, qui acté légalement les inégalités entre colons et colonisés. 

Plus récemment, en 1988, des indépendantistes kanaks du Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste prennent en otage des gendarmes, l’intervention du GIGN est une boucherie : 19 kanaks et 2 militaires y perdent la vie. Suite à ce drame, la France signe les accords de Matignon afin d’apaiser les tensions, délaissant ainsi du pouvoir vers les institutions locales, accordant l’amnistie aux indépendantistes et prévoyant la tenue de référendums. Si cet accord a bel et bien permis de pacifier les relations sur une longue durée, désormais la paix semble extrêmement fragile.

Le fait colonial n’appartient pas qu’au passé

Il n’y a pas que les militants anti-colonialisme qui l’affirment, l’Organisation des Nations Unies elle-même qualifie ce territoire de colonie. Au poids des atrocités commises dans le passé, s’ajoute une réalité sociale révoltante. Les français de métropole y possèdent tout ou presque et occupent les fonctions les plus prestigieuses a de rares exceptions près, comme Francky Dihace, devenu le premier avocat kanak, en Kanaky, le 11 août 2016.

En moyenne les kanaks y sont beaucoup plus pauvres que les européens et leurs descendants. Des milices « loyalistes », c’est à dire pro-France se développent, alors qu’une guerre civile qui a déjà causé des destructions et des pillages de commerces et d’habitations semble se profiler.

Face à cela, la réponse gouvernementale n’est qu’autoritaire, l’état d’urgence a été proclamé, des militants indépendantistes assignés à résidence, et le réseau social TikTok interdit. C’est ce même gouvernement qui a mis un terme à la paix relative trouvé depuis 36 ans, en attaquant le processus de décolonisation. C’est également celui-ci qui méprise les Outre-Mer, ou le niveau de vie est plus bas qu’en métropole et les pénuries fréquentes.

Se cacher derrière un référendum d’indépendance qui date de 2021, massivement boycotté par les kanaks, mis en minorité sur leur propre terre ne changera rien à la problématique, il faut demander l’avis des autochtones uniquement, car il sont les seuls à avoir la légitimité démocratique de choisir le destin de leur peuple. Si on compare la population ethnoculturelle en Kanaky par régions, et le taux de « oui » au référendum d’indépendance de 2020 dans ces mêmes régions, on s’aperçoit que le résultat penchait largement en faveur du « oui » chez les kanaks, puisqu’on constate que, plus ils sont nombreux par région, plus le pourcentage de vote « oui » est important.

Récemment, le député de ‘’Nouvelle-Calédonie” Nicolas Metzdorf (Renaissance), a eu l’idée très déplacée d’offrir au Ministre de l’intérieur Gérald Darmanin un fouet. Tout un symbole, qui ne manquera pas certainement d’empirer le climat anxiogène actuel.

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