
La région du Kivu, en République Démocratique du Congo, est l’un des territoires qui a connu le plus d’atrocités depuis la Seconde guerre mondiale. Dans l’Est du Congo-Kinshasa, les guerres, les viols, les maladies ont sans doute fait plusieurs millions de victimes. La reconnaissance de ce génocide invisibilisé depuis des décennies est plus que jamais à l’ordre du jour.
Les causes historiques
En 1994, Le génocide de l’ethnie Tutsi prend fin au Rwanda. Des Hutus acteurs du génocide traversent la frontière pour se réfugier au Congo, précisément au Kivu. Parmi eux, des centaines de milliers de personnes sont massacrées par l’armée rwandaise envoyée à leurs trousses et par une rébellion congolaise qui se soulève contre le président d’alors, Mobutu.
Le 2 août 1998, les alliés des États-Unis, le Rwanda et l’Ouganda, envahissent la République démocratique du Congo, lançant la Seconde guerre du Congo. Malgré la ratification d’un traité de paix en 2003, la violence, les déplacements de masse, et les massacres continuent. Depuis, les exécutions, les viols, les pillages sommaires sont quasi quotidiens.
Aux conflits ethniques s’ajoute la guerre économique. Le Kivu a la chance, ou plutôt le malheur, de renfermer de très importantes réserves de minerai, comme le coltan, essentiellement utilisé dans les smartphones. Les trafics sont omniprésents.
La tentative de résolution par l’intervention d’une mission des Nations Unies, la Monusco, a échoué. Aujourd’hui encore, on compte des centaines de groupes armés dans l’Est de la RDC. Les plus violents s’appellent les M23, les FDLR, les ADF ou les groupes d’auto-défense : les maï-maï.
Le Mouvement du 23 mars (M23) est une ancienne rébellion majoritairement tutsie qui a repris les armes en fin d’année dernière et qui est parvenu à conquérir de larges portions d’un territoire du Nord de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu.
Depuis une vingtaine d’années, la situation dans l’Est de la RDC a tourné au massacre. Elle n’a été qu’une succession de guerres et de violations des droits de l’Homme.
Une crise humanitaire catastrophique
Une ONG américaine, International Rescue Committee, a fait un bilan de 5,4 millions de morts suite aux combats au Kivu sur la période 1998-2007. Un chiffre très large contesté par des démographes belges en 2008. Néanmoins, la plupart des experts parlent d’un bilan humain qui s’élève à plusieurs millions de morts.
Les informations faisant état de multiples attaques perpétrées contre des camps de personnes déplacées, ainsi que de l’utilisation systématique de la violence sexuelle comme arme de guerre, constituent des violations du droit international particulièrement alarmantes.
Selon les autorités congolaises, des experts de l’ONU et la diplomatie américaine, le M23 est soutenu par le Rwanda. Mais Kigali conteste, accusant en retour Kinshasa de collaborer avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un mouvement hutu constitué par certains auteurs du génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda. Quoi qu’il en soit, l’intensification des combats entre les groupes Maï-Maï, FRF Gumino et Twigwaneho dans le Sud-Kivu continue de faire peser de graves menaces sur les enfants.
La Conseillère spéciale des Nations Unies pour la prévention du génocide, Alice Wairimu Nderitu, a d’ailleurs exprimé sa vive inquiétude, en particulier concernant la province de l’Ituri, alors que la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, Virginia Gamba, a observé que la détérioration de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC affecte considérablement les enfants. Selon Virginia Gamba : « La récente augmentation du nombre d’enfants tués et mutilés et d’attaques contre des écoles et des hôpitaux sur la base de données préliminaires est choquante »
Des attaques ont eu lieu dans la province voisine du Nord-Kivu, où une résurgence tragique des affrontements a commencé en mars 2022, où 521.000 personnes ont fui pour sauver leur vie face aux bombardements aériens et au recrutement forcé par des groupes armés non étatiques.
Quelque 120.000 personnes se sont déplacées vers la périphérie de la capitale provinciale de Goma, portant leurs effets personnels sur la tête et leurs enfants sur le dos. Au moins 52.000 personnes ont fui dans une province qui compte déjà 1,5 million de personnes déplacées. Parmi elles, 35.000 ont trouvé refuge dans la sécurité relative du site de Rhoe, où l’infrastructure d’abris d’urgence, de latrines communes et d’espaces de cuisson partagés croule maintenant sous le poids d’une surpopulation, puisqu’il accueille le double de sa capacité prévue de 35 000 personnes. Au total, plus de 6,9 millions de personnes ont été déplacées de force à l’intérieur de la RDC, dont 3 millions déplacées dans la seule province du Nord-Kivu.
La situation dans le Nord et le Sud-Kivu nécessite une action immédiate, tout comme la situation en Ituri. L’histoire semble se répéter avec le massacre des civils basé sur leur identité ethnique… Les conditions nécessaires à la commission d’atrocités criminelles continuent d’être présentes dans une région où un génocide s’est produit en 1994.