FC Barcelone et Real Madrid sous la dictature de Franco, un traitement inégalitaire à des fins politiques

Pendant la dictature de Francisco Franco en Espagne, de 1939 à 1975, le FC Barcelone a été confronté à un traitement inégalitaire et à une répression politique systématique. En raison de son identité catalane et de son rôle politique dans la région de Catalogne où l’anarchisme, le communisme et le régionalisme sont profondément ancrés, le club a été la cible d’une persécution orchestrée par le régime franquiste.

Les Blaugranas désavantagés

Dans l’Espagne franquiste, toute manifestation de l’identité catalane était réprimée. Le régime cherchait à imposer une vision unitaire et centralisée de l’Espagne, niant les spécificités régionales telles que la langue catalane et la culture catalane.

En tant qu’institution emblématique de la Catalogne, le FC Barcelone est devenu un symbole de résistance à cette politique oppressante. Le club a été soumis à de nombreuses restrictions et discriminations. Le régime franquiste a tenté de le contrôler en nommant des dirigeants pro-franquistes et en limitant son autonomie. Les symboles catalans, tels que le drapeau catalan et les chants en catalan, étaient interdits lors des matchs.

De plus, le club a été régulièrement victime d’arbitrages défavorables et de sanctions arbitraires, entravant directement ses performances sportives. Le Barça n’a ainsi gagné que huit championnats d’Espagne et neuf coupes d’Espagne en 36 ans.

Les joueurs et les supporters du FC Barcelone qui exprimaient ouvertement leur identité catalane faisaient face à des représailles sévères. Certains footballeurs ont été suspendus ou contraints de quitter le club en raison de leurs convictions politiques. Par exemple, Josep Escolà et Josep Raich suspendus deux ans pour avoir déserté l’Espagne pendant trois ans après la guerre civile, profitant d’un déplacement du club en France.

Ces mesures répressives ont créé un climat de peur et ont sapé la liberté d’expression au sein du club et de ses supporters.

Malgré les persécutions, le FC Barcelone a maintenu sa position de défenseur de l’identité catalane et de la liberté. Le club a continué à promouvoir la langue et les initiatives culturelles catalanes et à s’engager dans des actions de solidarité avec la population opprimée.

L’immense stade de 100 000 places, l’Estadio del Club de Fútbol Barcelona est devenu un lieu de rassemblement où les  »culers » (les supporters du club) pouvaient exprimer leur identité et leur opposition à la dictature. Le désormais “Camp Nou” aurait initialement dû porter le nom de Joan Gamper, joueur suisse fondateur et ancien président du club. Les autorités franquistes s’y opposèrent toutefois, Gamper ayant été protestant, partisan du catalanisme et opposant notoire à la dictature.

Le favoritisme en faveur de Madrid

Le Real Madrid, l’un des clubs de football les plus célèbres et titrés au monde, fait également partie de ces clubs qui font rêver de nombreux enfants à travers le monde. Cependant, une période sombre de l’histoire du club est rarement évoquée : celle des avantages dont il a bénéficié pendant l’époque franquiste.

Le football était utilisé comme un outil politique puissant pour promouvoir le nationalisme et renforcer l’image du régime. Le dictateur a compris le potentiel du sport pour asseoir son pouvoir autoritaire et projeter une image positive à l’étranger. Le favoritisme dont bénéficiait le Real Madrid sous Franco se manifestait alors de différentes manières.

Tout d’abord, le club madrilène aurait été favorisé par les arbitres lors des matchs importants, avec un exemple flagrant : à la fin de la saison 1942-1943, le Barça a fini à la 3e place de la Liga, tandis que le Real n’était que 10e, à un point du barrage pour la relégation.

Les catalans étaient ainsi favoris en vue de la confrontation opposant les deux équipes. Le Barça s’est imposé 3-0 à domicile à l’aller. Mais Madrid a compensé ses faiblesses défensives en jouant violemment, l’arbitre ne sanctionnant pas les joueurs fautifs. Le public barcelonais s’est plaint d’un arbitrage jugé partial et a sifflé les joueurs madrilènes.

Avant le retour, une violente campagne de presse mensongère anti-catalane a été diffusée dans les journaux de la capitale afin d’influencer l’opinion publique, développant un climat de tensions avant le match retour. Le Jour J, des sifflets ont été distribués aux supporters du Real et les bus de Barcelone ont été dégradés.

Dans le vestiaire, l’arbitre a participé à la pression sur l’équipe du FC Barcelone, en annonçant son intransigeance à leur égard. La police a insulté et intimidé les joueurs, informés qu’en cas d’incident, leurs forces ne suffiraient pas à les protéger. Le résultat : 8-0 à la mi-temps, 11-1 à la fin du match.

Le Gouvernement aurait en outre influencé les transferts en faveur du Real Madrid, lui permettant d’assembler une équipe de stars et de remporter de nombreux titres nationaux et internationaux. Le palmarès du Real Madrid s’élève ainsi à six Ligues des Champions, une coupe Intercontinentale, quatorze championnats d’Espagne et six coupes d’Espagne sur la période.

Le favoritisme s’est aussi exprimé dans la construction du stade Santiago Bernabéu, président emblématique du club et franquiste, qui contribua à l’invasion de la Catalogne par les nationalistes pendant la guerre. L’ouvrage est financé en partie par le régime, qui épongeait les dettes du club. Cette infrastructure moderne de 80 000 places a donné au Real Madrid un avantage significatif sur les autres clubs espagnols, souvent contraints de jouer dans des stades plus petits et moins bien équipés.

Un héritage encore présent

Pour conclure, les deux clubs possèdent un héritage politique bien distinct qui persiste et renforce la rivalité qui se trouve au-delà du seul cadre sportif.

Lors des Clasicos, des groupes d’ultras madrilènes entonnent encore régulièrement des champs fascistes face à des catalans indépendantistes brandissant l’estelada, voire l’estelada rouge (drapeau indépendantiste inspiré de celui de Cuba). Une campagne de révisionnisme historique a été lancée par le compte officiel du Real Madrid sur Twitter afin de non seulement blanchir son image, mais également de salir celle du FC Barcelone.

Le sport est ce faisant toujours éminemment politique, c’est pourquoi il est important de connaître les causes profondes qui nous poussent à supporter une équipe plutôt qu’une autre. S’agit-il de son palmarès, de ses valeurs, de ses résultats sportifs, de ses supporters, de ses infrastructures, de sa localisation, de ses symboles et de son histoire au sens large, ou bien la combinaison de tout ou partie de ses éléments ? La réflexion à ce sujet doit être engagée.

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